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Nathalie Sala au Studio Hirondelle RDC en 2021. ©Justin Makangara / Fondation Hirondelle Nathalie Sala au Studio Hirondelle RDC en 2021.

Témoignage : continuer de se former pour faire porter sa voix plus loin

Journaliste pendant plusieurs années au sein de notre Studio Hirondelle RDC, Nathalie Sala suit maintenant un master à l’ESJ Lille. Elle nous parle de son expérience en France, qui vise à parfaire sa formation et étoffer sa palette journalistique.

Blogging, radio, article web, Nathalie Sala est une touche à tout. Jeune journaliste engagée dans notre projet Studio Hirondelle RDC entre 2016 et 2021, elle a décidé de perfectionner sa formation médiatique en relevant un grand défi : une expatriation pour suivre un Master avec une double diplomation (ESJ Lille et Sciences Po Lille). Nous avons échangé sur son expérience, quelques jours avant le début  de son stage en presse quotidienne régionale au journal « Sud-Ouest » à Périgueux.

Comment s’est passé ta première année de master à l’École supérieure de journalisme de Lille ?

Cette année s’est bien passée. Il s’agit de ma première expérience en Europe et en France. Sur le plan environnemental, c’était un choc. Lille est dans la région la plus froide de France. Il a fallu s’acclimater. Mais l’école a très bien organisé l’accueil des étudiants internationaux.

Au niveau de la scolarité elle-même, c’était un peu compliqué au début. L’environnement m’était inconnu, et on nous a lancé directement sur le terrain pour des collectes collectives dans différentes communes de la métropole. Les pistes sur lesquelles j’étais n’aboutissaient pas et j’étais frustrée. C’est un exercice qui m’a beaucoup challengé, il fallait que je ramène quelque chose. La collecte individuelle portait sur les statuts des soignants en France. Je devais tout découvrir ! Mais j’ai rencontré de bonnes personnes qui ont accepté de répondre à mes questions. J’ai fait des interviews avec des médecins, et un d’eux est même devenu mon médecin soignant (rire) ! Au final, toutes ces difficultés m’ont permis d’avoir des repères.

Qu’est-ce que tu as étudié, et as-tu suivi des formations qui t’ont particulièrement marqué ?

Oui, il y a notamment le cours sur le journalisme de solutions. J’ai découvert cette forme de journalisme en travaillant avec la Fondation Hirondelle à Kinshasa, mais je n’avais pas vraiment reçu une formation approfondie. Grâce à ce cours, j’ai pu l’avoir.

Nous avons travaillé en binôme et j’ai collaboré avec une camarade de classe malienne. Notre travail a porté sur la précarité menstruelle dans le milieu étudiant en France. C’est un sujet qui m’intéresse et sur lequel j’avais travaillé, sous un autre angle, au Studio Hirondelle RDC. La précarité menstruelle concerne beaucoup de femmes et jeunes femmes, 500 millions dans le monde selon l’OMS. Autour de moi, j’ai vu des personnes en souffrir en silence du fait que les règles sont encore un sujet tabou, et encore davantage la précarité qui y est liée. À l’école, l’association Nouvelles Règles distribue gratuitement des protections hygiéniques. J’étais curieuse de savoir comment ça fonctionnait (organisation interne, financement, réalisations, impact et limites) tout comme ma camarade malienne. Cela a abouti à un article de plus de 10'000 signes qu’on a présenté devant toute la promotion.

Ensemble, nous avons travaillé sur le nouveau numéro du magazine Latitudes qui est réalisé chaque année par les étudiants de Master 1. J’y ai écrit un article sur l’enfouissement des déchets nucléaires à Bure, dans la Meuse (p.80). Avec un autre de mes camarades, je suis allée à la rencontre des agriculteurs et des activistes anti-nucléaires qui s’y se sont installés là. J’ai aussi échangé avec le service de communication de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) qui pilote le projet Cigeo. En partant du Congo, je n’avais jamais imaginé que je traiterais de ce genre de sujet. Écrire sur le nucléaire, je n’y pensais vraiment pas (rire) ! C’est un bel article, et j’en suis fière.

Est-ce que tu as ressenti/observé des différences avec ta formation précédente à Kinshasa ?

Oui, à l’École supérieure de journalisme de Lille, la formation est axée sur la pratique. On passe un peu de temps à poser les bases théoriques, puis on se met tout de suite à la pratique sur le terrain. C’est très différent de ce que j’ai connu à l’école de journalisme à Kinshasa (loin de moi l’intention de la dénigrer). L’ESJ Lille dispose aussi de tout le matériel qu’il faut pour permettre, à la sortie, d’être en mesure de s’en sortir avec une caméra, du matériel pour le journalisme mobile et les enregistreurs audio.

Tu as fait un court passage à la télé (RTNC2), du blogging, de la radio et maintenant de la presse écrite. Quel est le média dans lequel tu préfères évoluer ?

Pour moi, la radio reste incontournable. C’est le média le plus suivi dans mon pays. En ville comme dans les villages, et même au plus profond de la forêt tropicale, les gens s’informent et se divertissent grâce à elle. Mais le multimédia se développe et gagne du terrain. Même si je suis loin de la RDC, je reste très attachée à elle, et ce que j’apprends ici, c’est pour le partager avec mes confrères et consœurs journalistes. C’est essentiel de savoir produire du son, de l’image, de la vidéo, savoir écrire pour la presse papier (print), enrichir les papiers pour le web et produire des contenus d’information pour les réseaux sociaux. Pour ma 2ème année de Master, je me spécialiserai en journalisme numérique. J’aimerais pouvoir toucher à tout et être à l’aise sur tous ces supports. 

Comment s’annonce la suite de la formation pour toi ? As-tu déjà une idée pour l’après ?

L’année prochaine, je serai en alternance. Je passerai une partie de ma scolarité à l’école, et l’autre au Service Afrique du journal Le Monde où j’aurai beaucoup à apprendre. Actuellement, je réalise un de mes rêves, et c’est en grande partie grâce à mon défunt père. Il m’a toujours encouragé à rêver grand. Il m’a éduquée avec cette conviction : si je veux quelque chose et si j’y travaille dur, je l’obtiendrai. Ce que je fais en ce moment c’est le renforcement de mes compétences pour devenir une valeur réelle pour moi-même, pour mon pays et pour le monde également. Après mon master à l’ESJ Lille et à Sciences Po Lille, je voudrai continuer à exercer ma profession tout en me spécialisant dans un, deux ou trois domaines importants pour le développement de l’Afrique en général, et de la RDC en particulier (santé, éducation, etc.). Je voudrais être en mesure de faire des analyses pertinentes qui portent ma voix loin, très loin. J’ignore de quoi demain sera fait ni où je serai, mais j’espère des jours meilleurs. J’ai beaucoup d’idées, et je réussirai à trouver mon chemin.