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Audience devant les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC), novembre 2012. ©CETC Audience devant les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC), novembre 2012.

Justice et réconciliation : Les médias peuvent aider à éclairer les victimes

Philip Grant, directeur de l’ONG TRIAL International, entend lutter contre l’impunité des violations graves des droits humains et aider les victimes à obtenir réparation. Quelle peut être la contribution des médias ? Nous lui avons posé la question, alors que nous développons depuis juin 2015 un site web dédié à la justice et aux processus de réconciliation, JusticeInfo.net.

Une vingtaine d’années après sa réactivation dans les années 1990, dans quel état se trouve la justice pénale internationale ?
Philip Grant : Les tribunaux pénaux internationaux (TPI) pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda ont été fondés dans les années 1990 par l’ONU, en réponse à deux situations dramatiques que les médias ont largement contribué à dévoiler. Puis est venue la Cour pénale internationale en 1998, chargée d’un mandat géographiquement bien plus large. Ces instances sont cependant localisées loin des populations affectées, respectivement à La Haye (Pays-Bas) et à Arusha (Tanzanie). Au fil des années, constatant les difficultés de ces juridictions à se faire accepter par les sociétés concernées, la communauté internationale a tenté de rapprocher la justice pénale internationale des victimes en créant dans ces pays des tribunaux « mixtes » impliquant des juges nationaux : Tribunal spécial pour la Sierra Leone, Chambre pour les crimes de guerre de la Cour d'Etat de Bosnie-Herzégovine, Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens…

Quelles sont les alternatives à la justice pénale internationale pour que les victimes obtiennent réparation ?
Elles sont multiples. Divers types de « commissions vérité » sont actives dans le monde, parfois de façon complémentaire à des procédures pénales : les tribunaux se focalisent sur les principaux responsables, mais il faut aussi traiter la responsabilité de l’ensemble de l’appareil sécuritaire. Diverses instances régionales ou onusiennes compétentes en matière de droits de l’homme sont en mesure de juger non une personne physique, mais un Etat. Les justices nationales de pays tiers interviennent aussi de manière croissante pour juger les bourreaux, sur la base de la « compétence universelle ». Sans parler du rôle et de la responsabilité des acteurs économiques dans la commission de tels crimes, qui est un champ d’action encore peu usité. Dans chaque contexte, il faut être capable de se saisir au mieux des outils disponibles pour répondre aux besoins spécifiques de justice, de vérité et de réparation des victimes.

Selon vous, quels sont les besoins d’information des sociétés concernées par ces crimes ?
Les médias ont un rôle important à jouer pour rendre l’ensemble de ces mécanismes compréhensibles au plus grand nombre, et ce de façon suffisamment précise pour ne pas susciter d’attentes démesurées. Ils pourraient ainsi éclairer les victimes sur les meilleures stratégies à déployer pour obtenir réparation en illustrant certaines réussites, par exemple l’alliance entre victimes et ONG ayant abouti à la récente condamnation au Sénégal à la prison à vie de l’ancien dictateur tchadien Hissène Habré.

Une interview publiée dans le numéro 52 de notre newsletter trimestrielle, téléchargeable ici. Entretien réalisé par Benjamin Bibas, de La Fabrique documentaire, pour la Fondation Hirondelle.