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Julia Steinberger, co-autrice du dernier rapport du GIEC et professeure d'économie écologique à l'Université de Lausanne. ©Felix Imhof Julia Steinberger, co-autrice du dernier rapport du GIEC et professeure d'économie écologique à l'Université de Lausanne.

Les médias doivent rattraper leurs erreurs

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Co-autrice du dernier rapport du GIEC, professeure d’économie écologique à l’université de Lausanne, Julia Steinberger milite activement pour la préservation de la biodiversité et pour la défense du climat. Quel est son rapport aux médias ? Cette interview est tirée de notre 10e publication "Médiation", disponible sur ce lien.

Vous êtes co-autrice principale du dernier rapport du GIEC, qui depuis 1990 ne cesse d'alerter sur l'origine humaine du changement climatique. Qu'attendez-vous des médias ?

Julia Steinberger : Les médias ont un énorme travail de rattrapage à faire. Ils doivent aussi évaluer leur propre rôle et responsabilité dans l’inaction climatique. Du côté rattrapage, il est essentiel de traiter les crises climatique et écologique de manière transversale, dans toutes les rubriques de l’information et de la culture, même les sports. Il est pour cela essentiel que tous les journalistes et commentateurs bénéficient d’une formation de base sur les questions climatiques et écologiques. Les médias doivent aussi évaluer leur propre rôle dans les décennies d’inaction depuis 1990 jusqu’à présent. Ils se sont laissés manipuler par la désinformation et le déni scientifique provenant des lobbies des industries fossiles, et ont souvent insisté, jusqu’à très récemment, pour présenter « les deux côtés » de la question climatique – alors que le consensus scientifique était établi depuis bien longtemps. Au Royaume-Uni, par exemple, jusqu’en 2018, les règles de la BBC insistaient sur le fait qu’un·e climatosceptique ait la parole si un·e scientifique du climat était interviewé·e ! Cela a contribué à semer le doute dans l’esprit des citoyen·ne·s et des politiques, avec les conséquences que nous voyons tout autour de nous...

Outre vos activités scientifiques, vous êtes engagée en politique et dans des mouvements d'action écologiste. Pourquoi ?

Pour moi c'est une question de pleine participation à la citoyenneté. Je suis convaincue que les dernières décennies d'inaction climatique et écologique représentent l'échec d'un modèle de science à l'écart de la société. Si nous sommes détenteurs d'un savoir avec des conséquences vitales et urgentes pour le reste de l'humanité, nous ne pouvons pas nous limiter à écrire des rapports et chuchoter que la maison brûle à l'oreille de quelques politicien·ne·s. Il faut participer à éteindre le feu, par tous les moyens non-violents et démocratiques possibles. Pour moi, la question devrait être inversée : si on est scientifique, comment ne pas participer aux mouvements citoyens qui prennent la science au sérieux ?

Selon vous, comment articuler connaissance scientifique, information journalistique et action militante afin que les citoyen·ne·s se saisissent des questions écologiques ?

Les jeux de pouvoir, de désinformation et de corruption sont nos obstacles principaux. Le plus important, c’est d’être honnête et intègre, et de jouer le jeu de la transparence. Nous pouvons bien sûr avoir des désaccords sur les meilleures stratégies et tactiques, et en débattre. Par contre, il faut absolument que nous soyons alignés et en solidarité sur le plus important : nos rôles et responsabilités de maintenir l’habitabilité de notre planète. Nous pouvons être en désaccord sur les formes des actions, mais nous avons tous·tes un devoir absolu d’agir.

Retrouvez le 10e numéro de notre publication "Médiation" dans son intégralité ici.