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A Yangon, une journaliste de Doh Athan, le podcast sur les Droits Humains co-produit par la Fondation Hirondelle et le magazine Frontier Myanmar. ©Lâm Duc Hiên / Fondation Hirondelle A Yangon, une journaliste de Doh Athan, le podcast sur les Droits Humains co-produit par la Fondation Hirondelle et le magazine Frontier Myanmar.

Médias : le temps des femmes

A l'occasion de la grève des femmes ce 14 juin en Suisse, Caroline Vuillemin, Directrice de la Fondation Hirondelle, souligne dans une tribune publiée par le journal "Le Courrier" la prise de conscience émergente mais encore trop timide dans les médias à travers le monde pour rendre les rédactions et les traitements éditoriaux plus paritaires. Un texte à retrouver aussi dans le n°3 de "Médiation", notre publication semestrielle, avec des témoignages et chiffres clés.

Quelle place les médias font-ils aux femmes ? A l’échelle mondiale, seuls 37 % des articles, reportages de télévision ou de radio sont signés par des femmes. Seules 24 % de ces nouvelles mentionnent ou donnent la parole à une femme. Et à peine 20 % des experts interrogés dans les médias sont des expertes . La moitié féminine de l’humanité reste donc largement sous-représentée dans les médias, et c’est encore plus vrai en Afrique ou en Asie.

En théorie, cela fait pourtant 25 ans que la planète s’est mobilisée sur le sujet. Dès 1995 à Beijing, les Nations unies ont adopté un Programme d’action pour l’autonomisation des femmes en douze chapitres, dont l’un consacré aux médias. Celui-ci enjoint les entreprises médiatiques à favoriser « une participation accrue des femmes à la production et à la prise de décision », à « veiller à ce que les préoccupations des femmes soient correctement prises en compte » dans les informations et, déjà, à « encourager l'utilisation des nouvelles technologies comme moyen de renforcer la participation des femmes aux processus démocratiques ».

Ces préconisations sont longtemps restées lettre morte, ou à peu près. Le Global Media Monitoring Project, rapport de référence qui mesure tous les cinq ans la place occupée par les femmes dans les médias, ne recense entre 1995 et 2015 que de très lentes avancées. Et en une vingtaine d’années, le développement des nouvelles technologies s’est traduit pour les femmes par un nouvel espace de harcèlement autant que d’expression sur les réseaux sociaux. C’est pourtant sur ce nouvel espace qu’un tournant est intervenu : en 2017, le mouvement #MeToo a rendu les inégalités de genre si visibles au Nord que nombre de médias ont senti la nécessité de mettre en œuvre des politiques volontaristes de réduction de ces inégalités, dans la composition de leur rédaction comme dans leur traitement éditorial.

Ces questions se posent également dans les pays du Sud et singulièrement dans les pays en crise ou en conflit. Dans ces contextes où la situation des femmes est souvent moins enviable encore qu’au Nord et où les médias sont souvent moins professionnalisés, les modalités de la réduction des inégalités de genre dans les médias restent très largement à inventer. De ce fait, aujourd’hui plus que jamais, il est essentiel d’aller vers des rédactions plus inclusives.

C’est ce que nous essayons de faire à la Fondation Hirondelle en défendant un journalisme indépendant et équilibré, pratiqué par des rédactions qui parlent au plus grand nombre. Sommes-nous en réalité aussi inclusifs et représentatifs, notamment sur la question du genre, que nous le souhaitons ? Globalement, nous avons autant de femmes que d’hommes dans nos rédactions, ceci sans politique de quota, et dans des pays où la réalité sociale et économique n’est pas encore favorable au travail des femmes. Mais à la table de nos rédacteurs/trices en chef, actuellement, une seule femme sur six…

Nous travaillons actuellement à ce que nos modes de recrutement, de formation et de promotion ne parlent pas seulement d’égalité des droits et des chances, mais rendent réellement possible pour nos journalistes femmes d’occuper des postes à responsabilités. Dans les médias comme dans la société, c’est encore une vision majoritairement masculine qui domine. Et dans les pays en transition où la révolution digitale s’installe, la fracture numérique pénalise davantage les femmes. Il est donc plus que jamais de la responsabilité des médias de proposer des informations produites par des femmes et des hommes ensemble, sans hiérarchie de genre, pour être mieux entendus de toutes et de tous.

Caroline Vuillemin, Directrice générale de la Fondation Hirondelle.

Texte publié dans "Médiation", n°3, avec également des témoignages, expériences et chiffres clés sur le sujet. A télécharger ici.