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Les formations de JusticeInfo ont eu lieu du 15 au 17 juillet à Kyiv. ©Fondation Hirondelle Les formations de JusticeInfo ont eu lieu du 15 au 17 juillet à Kyiv.

Ukraine : Une formation sur la couverture de la justice en contexte de guerre

Thierry Cruvellier et Franck Petit, de notre média JusticeInfo.net, ont animé une formation de trois jours à Kyiv pour partager leur savoir-faire et échanger avec des journalistes ukrainiens autour de la couverture des procès pour crimes de guerre, qui ont débuté en Ukraine à peine trois mois après l’invasion russe.

Dans le cadre de notre réponse à la guerre en Ukraine, Thierry Cruvellier et Franck Petit, rédacteurs en chef de notre média JusticeInfo.net, ont mis en place une formation de trois jours au bénéfice de journalistes ukrainien·ne·s. Celle-ci a été possible grâce au financement de notre partenaire la Chaîne du Bonheur et de donateurs privés. Elle portait sur la couverture journalistique des procès pour crimes de guerre.

L’équipe de notre média spécialisé sur la justice internationale s’est rendue à Kyiv, la capitale de l’Ukraine, pour organiser et animer cet atelier qui s’est tenu du 15 au 17 juillet. Deux journalistes ukrainiens spécialistes de la chronique judiciaire (Irina Salii et Serhyi Andrushko) ainsi qu’un procureur national (Viktor Mysiak) et une juriste conseillère aux enquêtes en Ukraine (Anna Mykytenko) sont intervenus pour animer certains modules, en plus de ceux préparés par Thierry Cruvellier et Franck Petit, notamment sur la protection des sources, la spécificités des procès pour crimes de guerre, ou encore la conduite d’entretiens dans un contexte de traumas liés à la guerre.

Ces activités ont reçu un accueil particulièrement positif par les journalistes bénéficiaires du projet, alors qu’ils font face à un défi énorme qui arrive après un bouleversement sans précédent pour eux. 

« Fin février, j’avais l’impression que c’était la fin de ma vie professionnelle. Les tribunaux étaient fermés. Je n’imaginais pas pouvoir continuer ce que je faisais avant. Sans parler des craintes pour ma vie. Tout mon monde était détruit, déchiré » déclarait Irina Salii, journaliste à Sudovyi Reporter, devenue correspondante pour JusticeInfo au début de ce projet, durant son intervention le premier jour de la formation. Mais très vite, après la surprise du premier procès pour crime de guerre en mai, elle a été submergée par le travail.

« Nous vivons un moment unique. On voit en temps réel comment [ces procès] se déroulent. On apprend en faisant. Chaque jour est une première fois, pour nous comme pour les procureurs et les juges » continuait la chroniqueuse judiciaire ukrainienne. Une situation inconnue et qui pose plusieurs défis : « Il est clair que nous avons besoin de partager l’expérience de notre couverture. Nous sommes les acteurs et les victimes potentielles de ce dont on parle. Nous avons des connaissances, des amis qui sont touchés, qui se battent. C’est aussi un défi pour nous, sur le plan de l’éthique professionnelle, de rester impartiaux. »

Les participant·e·s ont souligné la valeur et la qualité de la formation, comme en témoigne Katerina Petrenko dans un message posté sur Facebook : « Le monde doit connaître toute la vérité sur l'agression russe en Ukraine. Des journalistes professionnels sont nécessaires pour cela. Les formateurs nous ont aidés à comprendre les procédures judiciaires dans les tribunaux nationaux de l'Ukraine, la Cour pénale internationale, la Cour internationale de justice et la Cour européenne des droits de l'homme. Une discussion pratique sur la justice pendant les conflits militaires a été très utile, ainsi que des discussions sur les principaux dilemmes auxquels sont confrontés nos agents chargés de faire respecter la loi, nos journalistes et notre système judiciaire. »

Les échanges ont porté sur des questions parmi les plus sensibles et les plus fondamentales, poursuit Petrenko : « La discussion la plus importante pour moi était de savoir comment accomplir mon travail journalistique et le combiner avec une position civique. Est-il possible de rester un journaliste ‘en dehors du conflit’ lorsque les bombes ennemies explosent dans votre pays, lorsque vos proches meurent, lorsque vous êtes dans une zone à risque ? Le moment est-il venu pour les journalistes ukrainiens de couvrir les crimes de guerre commis par leurs propres militaires, notamment à l'égard des prisonniers de guerre russes ? Certains des participants à la formation se lanceront-ils dans l'aventure ? D'un autre côté, nous sommes un État de droit, avec une presse libre et nous devrions travailler pour les intérêts de la société dans son ensemble. Alors pourquoi pas ? Mais si nous écrivons à ce sujet et que la Cour pénale internationale ouvre effectivement des poursuites contre certains de nos soldats, ne contribuerons-nous pas à la destruction de la société pour laquelle nous écrivons ? Ce sont des questions importantes auxquelles il est important de donner des réponses. »

Et de souligner le caractère particulier de cette initiative : « C'était incroyablement intéressant et instructif, inoubliable à chaque fois. Ce n'est pas la première formation de ce type, mais la première qui se tient pendant que la guerre a lieu et directement liée à la guerre. J’ai été heureuse d'être parmi vous et de recevoir des informations précieuses qui, je n'en doute pas, m'ont renforcée en tant que chroniqueuse judiciaire. Cette formation a renforcé chacun d'entre nous en tant que spécialiste dans son domaine à un moment crucial pour le pays. »

Le soutien de la rédaction de Justice Info à leurs collègues ukrainiens se poursuit, dans le cadre du projet mis en œuvre par la Fondation Hirondelle avec le financement de la Chaîne du Bonheur et de donateurs privés. Chaque semaine, la rédaction en chef du média en ligne coordonne et appuie la production d’articles par des correspondants ukrainiens, qui les publient dans leurs médias en Ukraine, et sur le site JusticeInfo.net. Leurs contributions sont disponibles en ukrainien, en russe, en anglais et en français. D’autres formations et activités de soutien à cette couverture juridique cruciale pour la reconstruction de la société ukrainienne sont prévues dans les prochains mois.