
Confrontée aux nouvelles formes de désinformation qui prolifèrent en ligne, la Fondation Hirondelle publie une note qui renouvelle son approche pour lutter contre ce phénomène mouvant. Responsable de la recherche et des politiques à la Fondation, Sacha Meuter en résume les principales conclusions.
Pourquoi la Fondation Hirondelle a-t-elle ressenti le besoin de mettre à jour son positionnement sur la désinformation ?
Sacha Meuter : Dans son rapport sur les risques globaux, le World Economic Forum a estimé que la désinformation était la principale menace globale à court terme. Depuis quelques années, plusieurs facteurs négatifs se renforcent mutuellement et amplifient clairement cette menace. Des facteurs technologiques, l’intelligence artificielle et les réseaux sociaux se conjuguant pour faciliter la production et la diffusion massive de désinformation. Des facteurs politiques, avec le recul de la démocratie et la réduction des espaces civiques dans le monde. Des facteurs économiques, les médias d’information voyant l’essentiel de leurs revenus publicitaires captés par les géants de l’économie numérique. Et des facteurs cognitifs, liés à la prolifération de chambres d’écho qui confortent les croyances. Cette conjonction de facteurs négatifs conduit à un chaos informationnel dans lequel l’information fiable et équilibrée devient moins visible.
De ce fait, les sociétés sont traversées par trois grandes failles : d’abord, une part croissante de la population adhère à des récits contre-factuels ; ensuite, la capacité de dialogue entre différents points de vue s’érode ; enfin, les populations les moins connectées et parlant des langues négligées dans l’espace numérique sont laissées pour compte du partage de connaissances. Cette situation représente un grand défi pour les médias d’information qui, comme ceux soutenus par la Fondation Hirondelle, entendent parler au plus grand nombre et contribuer à la cohésion des sociétés.
Quelle est la réponse de la Fondation Hirondelle à cette désinformation généralisée ?
Nous constatons que les approches principalement fondées sur le fact-checking et le debunking sont insuffisantes car elles se focalisent sur les propos de la désinformation ou arrivent trop tard, en réaction à une désinformation déjà relayée et amplifiée. La Fondation Hirondelle privilégie une approche préventive et inclusive en faveur de l’intégrité de l’information. Cette approche passe par un renforcement quantitatif et qualitatif de l’offre journalistique : soutien à des médias locaux, les mieux à même de répondre à des besoins d’informations fiables et accessibles ; exigence accrue en matière de déontologie journalistique ; accroissement de la présence journalistique sur le terrain, notamment dans les zones les plus marginalisées où le vide d’information laisse vite place à la rumeur. Mais elle passe aussi par un renforcement qualitatif de la demande d’information et de l’esprit critique de notre public, à travers une plus grande transparence sur notre façon de produire l’information, et tout un travail d’éducation aux médias et à l’information.
Votre note conseille une approche globale pour faire face à la désinformation. Dans cette approche, quels peuvent être vos principaux partenaires ?
Les bailleurs publics et privés sont des partenaires essentiels qui doivent en premier lieu amplifier leur soutien aux médias d’information dans un contexte qui leur est défavorable. Avec d’autres acteurs du monde des médias et du développement, nous devons également mener une action de plaidoyer auprès des géants de l’économie numérique pour qu’ils cessent de favoriser les diffuseurs de désinformation au détriment de la visibilité de l’information fiable. Mais il semble de plus en plus illusoire de compter sur la seule bonne volonté de ces géants de la technologie. La promotion de l’intégrité de l’information passera par l’intervention d’États qui reconnaissent cet enjeu, comme la Suisse qui accueille en juillet 2025 le Sommet mondial sur la société de l’information (WSIS+20) et le Sommet de l’intelligence artificielle pour le bien (« AI for Good »). Nous nous adressons enfin aux utilisateurs des médias, qui ont souvent le pouvoir de choisir quelle information ils veulent utiliser et quels acteurs médiatiques ils veulent soutenir.
– Propos tirés du Médiation N.15 de la Fondation Hirondelle à retrouver ici.
