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Portrait du chercheur Michel Leroy, de l'Institut Erich-Brost (Université de Dortmund). ©DR Portrait du chercheur Michel Leroy, de l'Institut Erich-Brost (Université de Dortmund).

Financement des médias : 27 ans d’expériences Hirondelle

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Journaliste et assistant de recherche à l’Institut Erich-Brost pour le journalisme international (Université de Dortmund), Michel Leroy est l’auteur d’une étude de capitalisation sur les activités de pérennisation des médias de la Fondation Hirondelle . Interview publiée dans «Médiation» n°9, à télécharger ci-dessus.

La Fondation Hirondelle développe et soutient des initiatives médiatiques dans des pays en crise où les médias d’information indépendants sont rares, voire inexistants. Comment la Fondation Hirondelle réussit-elle à financer ses initiatives médiatiques ?

Michel Leroy : Principalement – à 80 % – sur les fonds publics de la coopération internationale. Mais ce que révèle sans doute cette étude, c’est précisément qu’il n’y a guère de lieu où la génération de revenus privés serait inexistante. Même en Centrafrique, pays d’intervention où le secteur publicitaire est parmi les plus précaires, Radio Ndeke Luka, média créé et soutenu par la Fondation Hirondelle depuis l'an 2000, a réussi à bâtir ex nihilo une régie qui a pu financer certaines années jusqu’à un quart du projet. Certes avec un quart du budget, on est encore loin de l’autofinancement. Mais l’étude permet de relativiser le discours ambiant sur une supposée impossible pérennisation de ce type de médias. Elle pointe également des questions que l’on évoque moins souvent : comment on génère localement de nouvelles ressources, comment on gère l’intéressement, la corruption ou encore comment on s’adapte pour changer de modèle économique lorsqu’on affronte une période de conflit qui remet en cause ce potentiel de développement…

Les statuts de la Fondation Hirondelle précisent qu'elle « s'efforce d'assurer le transfert de l'organe d'information à des journalistes du pays d'accueil ». Comment a-t-elle procédé jusqu’à présent ?

Dans l’univers de la coopération média, la Fondation a été l’une des premières à mettre la pérennisation au cœur de sa démarche. C’est aussi l’une des premières à avoir créé un poste dédié à la pérennisation. Ce qui frappe quand on regarde dans ses archives, c’est la variété des influences de ses initiatives médiatiques. Mais il y a tout de même une référence commune, un substrat de base en quelque sorte, qui est le service public audiovisuel suisse d’où sont issus les fondateurs. Assez logiquement, les meilleurs résultats en termes de durabilité viennent d’expériences de transfert à un service public de taille modeste, comme par exemple le programme audio « Moris Hamutuk » (« Vivre ensemble »), créé en 2001 et légué à la radiotélévision nationale de Timor oriental en 2006. Dans le cas des méga-projets, qui plus est lorsqu’ils sont opérés avec un autre partenaire tel que les Nations unies comme en RD Congo avec Radio Okapi par exemple, une stratégie de sortie concertée est moins facile à mettre en œuvre.

La Fondation Hirondelle a testé beaucoup d’approches de « pérennisation » au fil de ses 27 ans d’existence. Pouvez-vous en donner quelques exemples qui vous semblent éclairants ?

Au départ avec Radio Agatashya, premier média de la Fondation Hirondelle, fondé en 1995 dans les Grands Lacs, l’approche est plutôt humanitaire, sans véritable préoccupation de pérennisation, hormis le transfert de compétences. Ensuite on passe à un rôle de producteur-diffuseur – Radio Ndeke Luka en République centrafricaine, Radio Okapi en RD Congo – qui a théoriquement vocation à être transféré à une structure locale. Puis, pour réduire les coûts et maximiser ce potentiel de transfert, les projets de la Fondation Hirondelle prennent la forme de studios de production : Studio Tamani au Mali, Studio Kalangou au Niger... Hirondelle a emprunté aussi au modèle commercial des régies publicitaires, à travers notamment l’expérience des « Indés radios », le groupement d'intérêt économique qui commercialise 130 radios indépendantes en France. La recherche de l’indépendance économique a été la plus poussée au Liberia avec Star Radio (1997-2000) même si elle a buté à la fois sur une crise de gouvernance interne et sur le choix assumé de la fondation de ne pas devenir soi-même investisseur. Le principal défi c’est peut-être précisément qu’il n’y a pas de modèle unique de financement des médias en contextes fragiles. Il n’y a que des expériences situées qui réinterrogent, ici et là-bas, le rapport au bien commun et au privé et les modes même d’intervention.